P R É F A C E

À la lecture de L'Autodéfense de la cellule de Somersall et Bounous, de très agréables souvenirs ont ressurgi. 
Au cours de l'année 1964-65, j'ai eu l'extraordinaire privilège de travailler avec les docteurs Fraser N. Gurd et Gustavo Bounous à la Clinique de chirurgie de l'Université McGill. C'était l'année de « l'enrichissement académique » du programme d'internat en chirurgie de McGill. Je travaillais alors à un projet en rapport avec le choc cardiogénique, aux côtés de Gustavo Bounous qui, lui, étudiait les changements subis par l'intestin grêle par suite d'un choc hémorragique. J’avais tout de suite reconnu que Gustavo était spécial de bien des manières. Le regarder raisonner sur les mystères des lésions de l’intestin grêle, c’était observer un grand maître à l’œuvre. Il disséquait ce problème complexe avec minutie d'une manière des plus innovatrice, remettant sans cesse en question ses propres observations.

Le présent ouvrage nous raconte dans les moindres détails le dénouement de cette nécrose aiguë de l’intestin, comme il en survient chez les grands brûlés et dans d’autres états de choc semblables. Mais le plus important, c’est que Bounous est allé au-delà des observations, et qu’il s’est fait le pionnier du traitement des lésions. La mise au point de la « diète élémentaire » administrée par voie intestinale (entérale) s’est avérée un des éléments parmi les plus importants qui ont mené aux progrès actuels de la nutrition chirurgicale. Gustavo et le Dr Gurd seraient heureux de savoir qu’on attribue maintenant à l’intestin grêle un rôle central qui pourrait expliquer l’insuffisance multi-organique consécutive à un déficit circulatoire de cause variée. Le rôle majeur que joue aujourd’hui la nutrition entérale dans les services de soins intensifs doit être porté au crédit du travail fondamental qu’ont effectué Bounous et Gurd.


Pour ma part, c’est le récit circonstancié des premières années de Gustavo Bounous qui m’ont le plus vivement intéressé. À l’époque où je travaillais à ses côtés, d’abord comme résident en chirurgie, puis plus tard, comme collègue chirurgien, je n’étais pas conscient de l’héritage culturel exceptionnel qui était le sien. Ce qui m’explique aujourd’hui certains de ses comportements d’alors et le zèle dont il faisait preuve pour la recherche en chirurgie. Je comprends maintenant les sentiments qu’il manifestait à l’endroit des Louis Pasteur Dante (qu’il citait souvent dans le laboratoire aux jeunes étudiants que nous étions), Galilée, Alexander Fleming, Beethoven et tous ses autres héros personnels. Sa grande aptitude à surmonter les divers obstacles de la vie peut sûrement être attribuable à l’influence de sa mère, puis à ses lectures de jeunesse qui, ensemble, ont profondément marqué son caractère.

Les recherches de Bounous sur le renforcement du système immunitaire constituaient une suite logique de ses travaux sur la diète élémentaire. Sa collaboration fructueuse avec Batist, Kongshavn et les autres afin d’élucider les mécanismes sous-tendant l’activité de la protéine de lactosérum est un exemple parfait de l’importance d’une masse critique de scientifiques au sein d’une institution. Mais le succès repose aussi sur un sens aigu de l’observation, une détermination farouche, des hasards heureux, et un raisonnement intuitif inlassable de la part de Bounous.

De même, la collaboration avec Dieter Beer et Chuck Roberts, chefs de file de l’industrie, a permis de poursuivre les recherches et de mettre au point une forme sous laquelle présenter le produit pour pouvoir l’utiliser dans le traitement de patients. On commence à peine à examiner l’impact potentiel de ce produit, mais on entrevoir d’ores et déjà qu’il pourrait révolutionner le traitement des patients souffrant d’immunodéficience, quelle qu’en soit la cause. On étudie actuellement son rôle possible dans le traitement du cancer, de la dénutrition, des maladies infectieuses, etc. Cette approche qui consiste à privilégier une intervention nutritionnelle plutôt que l’administration d’une « drogue » susceptible de créer une résistance, est typique de la conception de Gustavo Bounous.

Je suis convaincu qu’Ada Bounous, H. B. Schumacher (Indiana), Fraser N. Gurd (McGill) et tous les collègues de Gustavo seraient très fiers de ses réussites présentes et du témoignage de reconnaissance que vient de lui manifester le Conseil canadien de la recherche médicale. Avec la grande modestie qu’on lui connaît, Gustavo dit : « Je n’ai rien découvert. J’ai eu la chance de trouver un mélange protéique de premier choix, extrait du lait avec le plus grand soin afin de lui conserver toutes ses propriétés naturelles, et soutenant le précurseur crucial du glutathion. »

Chef du Département de chirurgie
Professeur de chirurgie, Chaire H. Rocke Robertson
Université McGill